ens, angoissés, ne savent toujours pas qui est à l’origine de la voiture piégée qui a fait prés de vingt morts et autant de blessés, le 27 septembre à l’entrée de Damas. Cet attentat est le plus violent depuis ceux qui ensanglantèrent la capitale syrienne dans les années 80. C’était alors l’époque d’une bataille meurtrière entre le président Hafez el-Assad et l’opposition sunnite islamiste. Cette histoire est révolue. Les opposants à Bachar el-Assad sont autres.
Cible de terroristes. Voilà plusieurs mois que les autorités syriennes disaient craindre les attentats et en ont même alerté les Américains et les Français. Depuis une semaine, des militaires avaient été déployés dans la capitale et à la frontière nord avec le Liban tandis que les forces de sécurité multipliaient les contrôles à sa frontière avec l’Irak par où passaient autrefois nombre d’islamistes qui tentaient de rejoindre les groupes sunnites irakiens ou ceux liés à Al-Qaeda. Damas craint aujourd’hui d’être la cible d’attentats par ces groupes qui quittent le terrain irakien et accusent la Syrie de ne plus coopérer. Certains de ces hommes sont passés au nord du Liban, dans la région de Tripoli et peuvent revenir en Syrie.
L’envie de revanche des groupes extrêmistes islamistes peut être d’autant moins écartée que le changement de pied du président syrien en renouant avec la France est vue comme une trahison. Paris n’a jamais caché qu’elle espère que le retour de Bachar el-Assad dans la communauté internationale s’accompagnera de sa prise de distance avec l’Iran. Une perspective qui ne fait pas l’affaire de tous.
Deuxième hypothèse : les règlements de compte à l’intérieur du régime syrien. Au sein du pouvoir et de l’establishment politique et militaire, certains, y compris dans le cercle familial, estime que l’intérêt de la Syrie est, d’abord, de privilégier son alliance stratégique, militaire et financière avec l’Iran. Pour certains généraux, dont Assef Chawkat, beau-frère du président (apparemment mis sur la touche), certains chefs des services de renseignements (il y en a trente), hauts fonctionnaires et apparatchiks du parti, la Syrie, sans grands moyens, tire sa force de son alliance avec l’Iran. Elle peut ainsi continuer à soutenir militairement le Hezbollah, bras armé syrien au Liban, et garde un moyen de pression contre Israël pour tenter de récupérer le Golan occupé.
Un autre camp constitué des proches de Bachar el-Assad, civils et militaires, veulent, comme le président, moderniser le pays, au moins économiquement. La normalisation des relations avec la France est le premier pas pour reprendre des relations avec l’ensemble des pays occidentaux, dont les Etats-Unis. Ces tenants de l’ouverture, plus minoritaires, comptaient dans leur rang le général Slimane, un proche conseiller de Bachar, responsable de la sécurité présidentielle et patron du programme nucléaire syrien. Or il a été assassiné, en août, en plein jour, dans sa villa du bord de mer, devant sa femme et sa petite fille, par une demi-douzaine d’hommes porteurs de cagoules et munis de silencieux. Les commanditaires ?
Système opaque. Le mystère reste total à Damas, mais beaucoup veulent y voir un premier avertissement lancé à l’adresse de Bachar el-Assad. Et estiment que la voiture piégée du 27 septembre se voudrait être un second avertissement sanglant. Dans ce système politique syrien opaque, il n’y a aucune certitude. Mais Bachar el-Assad ne semble pas avoir les mains totalement libres pour mener sa nouvelle politique. Il doit tenir compte de nombreux intérêts contraires et tenter de naviguer entre ses anciens amis iraniens et ses nouveaux amis français. Un exercice difficile.