Biadillah mène la caravane du PAM

hakim arif

Parce que Fouad Ali El Himma est un ami personnel du roi, parce qu’à ce titre il a eu la charge de dossiers sensibles et importants, son entrée en politique par le biais d’une structure partisane ne pouvait pas passer inaperçue.

La première accusation a tout de suite fusé : c’est un nouveau FDIC! Cette accusation est pernicieuse, mais elle a la peau dure. Qu’à cela ne tienne, le PAM réussit à attirer des adhérents de tous bords. Il a puisé dans pratiquement tous les partis, en sus de troupes conséquentes venues du gauchisme ou de la mouvance amazighe.

Les alliances le placent, à défaut d’un ancrage politique clairement défini, au centre. Il cherche à partir d’un noyau avec le RNI, à agglomérer le Mouvement populaire, l’Union constitutionnelle, en plus de petits partis qu’il a déjà phagocytés. Certains diraient que c’est une alliance de ce que l’on appelait, il y a quelques années, “la droite administrative”.

Ces alliances devront se confirmer sur le terrain, en particulier lors des communales de juin, ce qui n’est pas gagné d’avance. D’ailleurs, même à l’intérieur du PAM, la gestion de la question des candidatures ne sera pas facile puisqu’il a recruté beaucoup d’élus et de présidents de communes.

Mais ce n’est que la partie visible de l’iceberg. Le PAM a pour principal défi de démontrer qu’au-delà de ce rôle de “coagulateur”, il apporte un plus à la vie politique, en termes de vision, d’éthique, de proximité et de mobilisation.

Le galop d’entraînement des partielles n’a pas été très concluant. A la décharge du PAM, il venait trop tôt, les structures n’étaient pas prêtes et il ne s’agissait que de partielles.

Ce que le PAM promet d’apporter

H. A

Le PAM est le produit de démarches très différentes. Il est issu du MTD, cette association qui lui sert maintenant de ‘’profondeur théorique’’, mais aussi de l’unification de cinq partis, et des adhésions des élus. Toutes ces démarches, fort hétéroclites, ne peuvent être cimentées sans un projet qui transcende les divergences. C’est ce que le congrès de Bouznika a tenté de faire.

Le projet décliné, met en avant la rénovation de la politique, la revalorisation, la proximité, la mobilisation des citoyens, le renforcement du tissu associatif et l’éthique. Il s’accroche aux recommandations de l’IER sur le plan institutionnel et au rapport du cinquantenaire comme les deux mamelles idéologiques encadrant son action.

A partir de là, il se définit comme un adversaire acharné de l’obscurantisme, c’est-à-dire des islamistes, y compris le PJD. Cette position claire est rare politique de santé au Maroc. Même la gauche a louvoyé sur cette question. Le PAM, ne l’oublions pas, a recruté un certain nombre d’élus locaux et de présidents de communes. Ils n’étaient pas nécessairement connus pour leurs sentiments anti-PJD. Dans le nouveau contexte, cela signifie une chose, c’est que les Islamistes ont peu de chances de faire partie d’une majorité, là où le PAM réussit une percée.

Le mode de scrutin est tel qu’aucun parti ne peut obtenir la majorité à lui seul, dans aucune région. Le PAM, avec ses alliances déclarées et à venir, fera donc barrage au PJD. D’autant plus que les militants de gauche montrent une réticence certaine à toute alliance avec le parti de Benkirane.

Mais l’apposition du PAM au PJD n’est pas uniquement électorale. Il voudrait par le biais du MTD, mais aussi de ‘’DAR AL HIKMA’’, le contrer idéologiquement. Donner naissance à un discours moderniste cohérent, tel est le challenge fixé à ces associations, ‘’autonomes’’, mais largement influencées par le PAM. Les prochains mois montreront l’efficacité de la démarche. Bien que les dirigeants du PAM se refusent à être catalogués comme des anti-PJD, ce qui est réducteur à leurs yeux, ils sont attendus sur ce terrain en priorité.

Il y a un autre aspect où le PAM à déjà engrangé des résultats hors du congrès de Bouznika : une forte minorité des congressistes n’avait pas de passé partisan. Il s’agit d’intellectuels, de professions libérales, qui avaient fui les joutes politiciennes jusqu’ici.

Cette partie de l’élite n’avait aucun atome crochu avec la politique qu’elle méprisait même. Si le PAM a réussi à les entraîner, c’est bien entendu parce qu’il est censé être plus ouvert à la mobilité interne, qu’il n’y a pas de situation acquise, mais aussi parce que la caution de quelques noms, connus pour leur passé militant, a joué comme un élément attractif. Sans oublier la personnalité de Fouad Ali El Himma lui-même.

Cette tranche de la population peut apporter beaucoup de choses. Si le PAM réussit à la faire élire, elle améliorera sans aucun doute la qualité des conseils et apporter son savoir à la gestion. elle peut aussi servir d’exemples et attirer d’autres jeunes dans le jeu politique. Cette pénétration a surtout valeur de symbole. Elle prouve que ce sont les structures partisanes qui n’ont pas réussi à mobiliser les couches sociales qui ne sont pas apolitiques, loin de là. Ce sont l’autisme de ces structures, le refus de la démocratie interne, la faible part laissée aux nouveaux, qui rebutent les candidats à l’action politique.

On verra si le PAM lui-même intégrera ces profils dans ses listes à des places éligibles et s’il leur offrira des responsabilités ensuite. Mais force est de constater que la première partie du chemin est faite.

En fait si on relie juste ces deux faits, le désir d’être un barrage face à l’obscurantisme et la mobilisation de ces élites, on peut dire qu’il y a une cohérence. Les couches moyennes sont celles qui doivent plaider pour la modernité. Il n’en demeure pas moins que c’est la réalité du terrain qui valide ou non les projets politiques. Les semaines à venir seront cruciales pour le PAM, car la manière dont il préparera les communales sera perçue comme un signal de la crédibilité de son projet… et de ses promesses.

 

«Il est évident que nous voulons nouer des alliances à court et à long termes»

propos reccueillis par hakim arif

L’Observateur du Maroc Peut-on avoir un bilan d’étape à l’heure actuelle après le congrès et le Conseil national ?

Mohamed Cheikh Biadillah. Les deux étapes que vous citez ont été une réussite totale dans la mesure où elles ont démontré la très grande responsabilité des militants. Elles nous ont également permis d’entériner définitivement la fusion des cinq formations dans une parfaire harmonie. Nos nous sommes aussi ouverts sur d’autres secteurs tels que ceux de la femme, de la jeunesse et des universitaires. Nous avons pu également renforcer les sections locales. Cela dit, nous sommes maintenant un parti comme les autres.

Comme les autres, mais vous revendiquez quand même un plus.

Oui, un plus dans la mesure où nous avons choisi d’être un parti d’une grande qualité qui veut faire de la politique autrement avec de nouvelles idées. Nous avons une équipe polyvalente et très variée, incluant des personnalités de bords différents, comme Salah El Ouadie, Habib Belkouch et beaucoup d’autres.

Est-ce à cause de ce succès que vos détracteurs vous ont assez malmenés avec des critiques souvent très acerbes ?

La réaction des partis et des médias est tout à fait normale. Il n’y a rien d’étrange là dedans. Il n’y a pas de naissance d’un nouveau parti sans le moindre remous. C’est pour cela que nous avons décidé d’éviter toute polémique. La naissance du PAM ne pouvait certes pas laisser l’opinion publique indifférente. Mais il n‘y a pas que les détracteurs. Dès la création du Mouvement pour tous les démocrates, nous avons contacté des partis sérieux et nous avons invité tous les amis. Résultat, cinq partis ont adhéré. Je tiens à saluer d’ailleurs le courage de leurs secrétaires généraux qui ont su saisir ce moment historique dans l’évolution du Maroc.

Néanmoins, on peut dire que le PAM a très rapidement avancé.

Les observateurs ont peut-être été gênés par cette avancée rapide d’un parti qui a apporté, dans un Maroc nouveau, une vision nouvelle et un diagnostic nouveau. Les femmes et les hommes du PAM ont apporté un lexique innovant et de nouvelles structures. Surtout, ils ont rapidement assimilé l’authenticité et la modernité du parti. Il est donc normal qu’il y ait des interrogations avec la naissance d’un tel parti. Beaucoup de points d’interrogation nous ont accompagnés dès les premiers pas. Néanmoins, à l’heure actuelle, je peux vous dire qu’il y a une relation de respect profond entre nous et les autres partis politiques. Il y a eu des épisodes un peu mouvementés, mais à l’heure actuelle tout est rentré dans l’ordre.

Parmi ces épisodes, on a retenu contre vous le fait d’exclure certains médias de vos réunions, notamment des médias appartenant à des partis.

C’est une histoire terminée maintenant. Nous avons accueilli ces médias à bras ouverts et nous considérons qu’ils sont nos partenaires pour l’avenir.

Dernièrement, des membres de votre parti ont démissionné à Essaouira. Comment jugez-vous cette action ?

Vous savez, nous refusons d’embrigader les citoyens. Ils demeurent libres au PAM. Le phénomène est très normal. D’ailleurs, tous les partis vivent cette situation. En revanche, je peux dire que ces départs n’ont et n’auront aucune incidence sur la marche du PAM.

Le PAM recherchera-t-il des alliances avec d’autres partis ?

Il est évident que nous voulons nouer des alliances à court et à long termes. Nous avons déjà une alliance avec le Rassemblement national des indépendants au niveau du parlement, une alliance qui fonctionne parfaitement d’ailleurs. Nous avancerons sur cette voix notamment à l’échelle locale. Mais il y aura bien entendu des conditions. Pour qu’il y ait alliance il faut qu’il y ait entre nos éventuels alliés et nous un dénominateur commun. Je vous signale que nous avons au parti des élus locaux, ce qui veut dire que nous ne sommes pas des extra terrestres. Nous saurons donc au moment venu avec qui nous allier. Il faut que nos alliés partagent avec nous les valeurs qui forment le socle de notre formation.

On a beaucoup dit sur Fouad Ali El Himma. Quelle est sa véritable place dans le parti ?

Fouad Ali El Himma exerce un fort tropisme sur les militants et sur les journalistes par son langage fluide et simple et par son histoire. Son passage au ministère de l’Intérieur comme sa qualité d’élu ne laissent pas indifférent. Il participe comme tous les membres à la vie du parti. Ses discours sont toujours appréciés comme ceux qu’il a prononcés lors du conseil national et devant le bureau national à Laâyoune.

Encore un reproche qu’on fait au PAM. Le fait qu’il a recruté dans le milieu des notables a fait jaser dans les médias.

Vous savez, il y a un dicton qui dit que le poète est le produit de son environnement. Le PAM est lui aussi arrivé dans un environnement spécifique. D’ailleurs, la question des notables doit être tranchée. Nous n’allons pas dans des régions reculées et mettre au placard les notables. Ce sont des citoyens qui portent des valeurs. Et puis, je dois préciser que nous ne sommes pas exclusifs. Au contraire, notre parti se veut inclusif.