hakim arif
Ce n’est quand même pas banal, puisque cela intervient après une semaine où tout le ministère était sur la sellette. Mounir Chraïbi paie les approximations et la mauvaise gestion qui a caractérisé l’après élections du 12 juin dernier. Serait-il le premier d’une longue liste ? Beaucoup d’observateurs regardent du côté de Walis et gouverneurs, notamment ceux d’Oujda, de Tanger et de Rabat. D’autres montrent du doigt Chakib Benmoussa, patron du ministère, à qui on reprocherait l’image catastrophique qui a collé à ces élections.
Le ministre de l’intérieur était loin de maîtriser son art. Pendant la campagne électorale, il se fait étrangement très discret face aux multiples accusations qu’adressent à son département plusieurs formations politiques. Il se fait taper dessus tour à tour par le PAM et le PJD. Benmoussa ne réagit pas et certains observateurs n’hésitent pas à mettre sa réserve sur le compte de la «peur» plutôt que sur celui de la retenue. Difficile à savoir, tellement les murailles de l’Intérieur sont épaisses et ne laissent transparaitre aucun écho. Ce qui est certain par contre, c’est que Chakib Benmoussa a du mal à se faire respecter par les partis politiques dont il est normalement l’interlocuteur naturel, mais également par les autres agents d’autorité dont il est le patron.
Au lendemain de la consultation du 12 juin 2009, le comportement de plusieurs walis et gouverneurs est qualifié par des chefs de parti de «lamentable». Certains marquent une neutralité douteuse face aux notables qui usent et abusent de l’argent. D’autres s’alignent carrément sur les candidats dont ils sont proches. Les doléances des partis se multiplient et quelques partis politiques apportent même des preuves. Le ministre se contente d’observer. Ainsi, après la proclamation des résultats, le spectacle donné lors de la désignation des présidents des communes et des bureaux est tragico-burlesque. A Tétouan, les agents d’autorité empêchent pendant plusieurs jours la coalition formée par l’USFP et le PJD d’accéder au siège de la mairie pour élire le président. Cela fait désordre d’autant plus que le même manège se répète dans d’autres villes devant les yeux réprobateurs des citoyens et de la presse qui transcrit au quotidien et dans les détails les situations de chaque ville. Mais le sommet de l’improvisation est atteint à Oujda. Là, le comportement des autorités atteint un degré d’amateurisme sans précédent. Pendant trois semaines le blocage est total. La ville n’a pas de maire et le PJD transforme la bataille qui l’oppose aux autres partis en une bataille contre le ministère de l’Intérieur… Et il commence à engranger les points gagnants devant l’étrange passivité du ministre et les maladresses des autorités locales. La crédibilité de tout le processus électoral commence à battre de l’aile. En fin de compte la situation trouvera un dénouement en queue de poisson, mais laissera une grande amertume chez tout le monde. A Marrakech, les choses semblaient réglées. Le Maroc assiste admiratif à l’élection de la première maire d’une grande ville. La presse internationale salue cette grande avancée, sauf que quelques jours plus tard, le tribunal administratif annule les élections dans la circonscription Marrakech-Menara où a été élue Fatima-Zahra Mansouri, nouveau maire de la ville. Une commission d’enquête est dépêchée en urgence à Marrakech et les conclusions à laquelle elle aboutit sont sans appel. La responsabilité incombe aux agents d’autorité relevant de la wilaya qui n’ont pas été à la hauteur de leur mission. Elle incombe également à «l’ingénieur en chef» qui n’a pas su mettre en marche harmonieusement sa machine. La grande fête de la démocratie tant attendue se transforme en un vulgaire banquet où le ridicule le dispute à l’insensé.
Conscient que sa performance laisse beaucoup à désirer, Chakib Benmoussa tente un come-back tonitruant. Il publie un communiqué martial à l’encontre du PJD dont un des députés a saisi l’ambassade de France. Si l’acte de l’islamiste est hautement répréhensible, l’on se demande pourquoi c’est le ministre de l’Intérieur qui prend les devants et non pas le président de la Chambre des représentants ou le Premier ministre. De toute façon, cette péripétie démontre qu’en voulant se replacer, Benmoussa renoue quelque part avec le style honni qui était celui du ministère sous Driss Basri. A cette époque, les Marocains n’appelaient-ils pas ironiquement le ministère de l’Intérieur «La mère des ministères» en raison d’un excessif interventionnisme qui nuit à l’image du pays et tétanise les autres institutions. Nous sommes alors loin de ce ministère qu’on voulait «normalisé» et s’occupant seulement de «ce qui le regarde».