Changement dans la continuité

AHMED CHARAI

Le gouverneur n’est plus, uniquement, un sécuritaire, gérant l’ensemble à partir de ce point de vue.

On peut donc constater, sur le terrain, ce rôle d’agent de développement économique, non seulement comme facilitateur, mais aussi et de plus en plus, une fonction d’impulsion et de soutien.

A cela, et grâce à l’INDH, s’ajoute un rôle social important qui a déjà donné des résultats dans les cités les plus pauvres. Le dynamisme des gouverneurs, donnée variable, est à ce sujet important, car il faut susciter et encadrer des projets structurants et non pas utiliser cette manne comme une soupape pour parer au plus pressé, ce qui est malheureusement parfois le cas.

La nouvelle fournée, avec la variété de profils qui la compose, s’inscrit dans le droit fil de cette conception, appelée il y a dix ans ‘’le nouveau concept de l’autorité’’.

Crédibiliser le prochain scrutin

Cependant, ces nominations interviennent à quelques mois des élections municipales. Le rôle de l’administration territoriale est décisif dans ce scrutin. Il faut absolument que les dispositions énoncées au niveau central puissent être matérialisées sur le terrain. Il s’agit de veiller à la régularité du scrutin, dans toutes ses phases, en particulier lors du choix des présidents. Les marchandages, l’emploi de l’argent, aboutissent trop souvent à des bureaux falots, peu soucieux de l’intérêt des administrés. Or sur cet aspect, il faut reconnaître que lors du scrutin de 2003, l’administration territoriale a eu des attitudes très différenciées en fonction des villes.

Souvent elle a laissé faire parce que le candidat l’intéressait, parfois elle a même, en sous-main, encouragé des coalitions hétéroclites, portant à la présidence un profil jugé apte au poste. Ce n’est pas par malveillance que ces attitudes ont eu lieu. Ce sont plutôt des considérations de l’ordre du moindre mal qui ont prévalu.

Dans certaines villes, les relations entre élus et administration sont houleuses. Le résultat est que ces villes n’ont pas bénéficié du ‘’boom’’ économique et que la croissance enregistrée ne correspond pas au potentiel réel.

Cette fois, ces considérations ne peuvent entrer en ligne de compte, parce que la démocratie est souffrante. Toutes les dispositions prises pour assurer la régularité du scrutin doivent être rigoureusement appliquées. En espérant que cela crédibilisera l’opération de vote et incitera à la participation des citoyens, seul moyen de sortir avec des conseils communaux forts. Même si le mode de scrutin, à la proportionnelle, n’y concourt pas vraiment. Mais au-delà de la gestion de ce scrutin important, il restera à tous les gouverneurs la fonction essentielle : dynamiser le territoire dont ils ont la charge. Ils ont parfois la chance d’atterrir dans une province où l’essentiel est déjà fait, quand ce n’est pas le cas ils devront redoubler d’effort. C’est à cette équipe qu’il incombe de mettre à niveau toutes les régions, pour que le Maroc ne fonctionne pas à plusieurs vitesses.

A quoi sert un gouverneur

HAKIM ARIF

L’importance des walis et des gouverneurs commence à être visible dès le premier article qui établit que le gouverneur «est le représentant de Notre Majesté dans la préfecture ou province où il exerce son commandement». Que fait-il dans sa province ou sa préfecture ? L’article 2 le précise : «Le gouverneur est le délégué du gouvernement de Notre Majesté dans la préfecture ou province où il exerce son commandement. Il veille à l’application des dahirs, lois et règlements et à l’exécution des décisions et directives du gouvernement dans la préfecture ou la province.

Dans l’exercice des fonctions visées à l’alinéa 1er, le gouverneur prend dans la limite de ses compétences, conformément aux lois et règlements en vigueur, les mesures d’ordre réglementaire ou individuel». La charge est grande. C’est en fait celui qui va coordonner tous les services des administrations centrales. C’est presque un petit gouvernement avec les représentants de tous les ministères. Le gouverneur coordonnera les travaux de tout ce petit monde. Il est une autorité économique, sociale, politique et aussi et surtout sécuritaire. Selon l’article 3, le gouverneur «est chargé du maintien de l’ordre dans la préfecture ou province. Il peut utiliser les forces auxiliaires, les forces de police et faire appel à la gendarmerie royale et aux forces armées royales dans les conditions prévues par la loi. Il dirige notamment, sous l’autorité du ministre de l’Intérieur, les activités des chefs de cercles et des chefs de circonscription urbaine et rurale (pacha et caïd). Sur le volet politique, le gouverneur contrôle les collectivités locales. Et c’est lui qui exécute les décisions des assemblées préfectorales et provinciales, nous dit l’article 4.

La main haute

L’article 5 stipule que, sous l’autorité des ministres compétents, le gouverneur coordonne les activités des services extérieurs des administrations civiles de l’Etat, des établissements publics dont le domaine d’action n’excède pas le cadre de la préfecture ou la province. L’autorité économique et sociale est maintenant manifeste. C’est ainsi que le gouverneur «assure l’impulsion, le contrôle et le suivi des activités desdits services et établissements afin de veiller à l’exécution des décisions ministérielles». Toutefois, il rend compte aux ministres concernés des conditions d’exécution de leurs directives et instructions. Il est donc une source d’information intéressante, mais qui peut aussi devenir contraignante. En outre, il intercepte, si on ose dire, les informations qui arrivent des ministères à leurs services extérieurs. Et c’est toujours l’article 5 qui le dit, «le gouverneur est informé des activités des services extérieurs. A ce titre, il reçoit copie des programmes d’action et directives provenant des ministres intéressés ainsi que des rapports et comptes rendus généraux destinés à ces derniers». Rien n’échappe donc au gouverneur, c’est le maître du terrain. Personne n’est informé autant que lui. Pour le ministère de l’Intérieur un gouverneur c’est une mine d’information. Un seul ministère lui échappe, celui des Habbous et des affaires islamiques. Pour tous les autres, le gouverneur adresse annuellement à chaque ministre un rapport établissant l’état d’avancement des investissements prévus par le département concerné. Il peut aussi proposer «toutes mesures qu’il juge utiles pour la réalisation des investissements relevant de la compétence du ministre concerné».

L’œil du gouverneur

Article 6 : Le gouverneur contrôle, sous l’autorité des ministres compétents, l’activité générale des fonctionnaires et agents des services extérieurs des administrations civiles de l’Etat en fonction dans la préfecture ou province. Il veille au bon fonctionnement des services publics et de tout autre organisme bénéficiant de subvention de l’Etat ou des collectivités locales, dans les limites de sa compétence territoriale. Il doit être préalablement informé des mutations des chefs des services extérieurs des administrations civiles de l’Etat et de leurs adjoints directs. Il doit adresser annuellement au ministre compétent une appréciation relative à la manière de servir des chefs des services des administrations civiles et de leurs adjoints directs en fonction dans la préfecture ou province.

Sans préjudice des pouvoirs reconnus à l’autorité ayant pouvoir disciplinaire, le gouverneur peut exercer le pouvoir de suspension reconnu à ladite autorité par l’article 73 du dahir n° 1-58-008 du 4 chaabane 1377 (24 février 1958) portant statut général de la fonction publique dans les cas et conditions prévus audit article. Il rend compte immédiatement de la mesure de suspension au ministre compétent. Les dispositions du présent article ne sont pas applicables aux personnels des juridictions en fonction dans la préfecture ou province.

Ceux qu’on attendait le moins

Le retour gagnant du super ingénieur

Ceux qui connaissent Mohamed Halab ne tarissent pas d’éloges envers l’homme. Il est réputé pour son franc parler et son entrain à tel point que ses collaborateurs le surnommaient «le Bulldozer». Mohamed Halab est un ingénieur diplômé en 1974 des Ponts et Chaussées, encore un autre, et qui a fait pratiquement toute sa carrière au sein du ministère de l’Equipement. Ainsi, il a été directeur régional des travaux publics à Casablanca avant de prendre en charge le personnel et la formation au ministère des Travaux publics. En 1989, Mohamed Halab est nommé directeur de l’Office de la formation professionnelle et de la promotion du travail (OFPPT) avant de connaître la consécration dès 1993 en tant que directeur de l’Office de l’exploitation des ports. Mais, c’est en 2001 que le super ingénieur change de cap. Il embrasse alors la carrière d’un haut agent d’autorité. Il fait ainsi partie de cette vague d’ingénieurs venue changer la vision du ministère de l’Intérieur. Il est nommé Wali de la région Tanger-Tétouan avant d’effectuer un bref passage «au garage» pour diriger ensuite la promotion nationale. Sa nomination à la tête de la Wilaya de Casablanca vient pour donner un coup d’accélérateur aux chantiers immenses lancés depuis quelques années pour la mise à niveau de la capitale. C’est clair que face à ce nouveau défi dans les méandres de Casablanca, Mohamed Halab doit se sentir comme un poisson dans l’eau.

Hassan Aourid Vers d’autres horizons

Les walis qui ont été remplacés n’ont pas tous été nommés à d’autres postes. Un grand nombre a été placé dans l’administration centrale sans mission précise, comme pour une mise au placard. Toutefois, Hassan Aourid, qui était wali de Meknès Tafilalet, n’a été nommé nulle part. Il est vrai néanmoins que son statut permet cette situation, car il n’est pas cadre du ministère de l’Intérieur. On pense qu’il sera nommé mais hors du cercle de l’Intérieur. Certains avancent un retour à l’ambassade du Maroc aux Etats-Unis où il avait déjà officié. Quoi qu’il en soit, Hassan Aourid, homme du palais, a su marquer de son empreinte sa région. Il a changé le mode de gouvernance, rapproché l’institution des citoyens et imposé son style plus simple dans une administration pas du tout reconnue comme une des plus populaires.

Mohieddine Amzazi Après la gloire…

Le cas de Mohieddine Amzazi reste énigmatique. Mohieddine Amzazi a été écarté de la direction des affaires intérieures, pour ne plus recevoir aucune charge importante. Il est désormais wali sans fonction précise, après avoir officié dans l’une des directions les plus importantes. Le fonctionnaire fait tout de même partie de l’héritage de l’ancien ministre de l’Intérieur Driss Basri. Est-il dépassé par les événements, est-il tombé en désuétude ? Quoi qu’il en soit, il n’y a pas si longtemps, on le couvrait de louanges, surtout dans des affaires aussi cruciales que le terrorisme. Ce n’est certes pas le fait qu’il fut un des cadres de l’époque Basri qui a été à l’origine de son placardage. Son remplaçant Mohamed Tricha est connu pour être la main de Basri dans l’audiovisuel, puisqu’il était directeur de la radio et de la télévision officielles. Amzazi a débuté sa carrière dans la direction des ressources humaines du ministère de l’Information, mais du temps où celui-ci était une annexe du ministère de l’Intérieur, alors sous la houlette de D. Basri. C’est ici qu’a commencé une ascension qui a dû faire des envieux. Amzazi en sait certainement très long sur la période où les médias au Maroc étaient soit consentants soit tout simplement des ennemis à qui il fallait, de temps en temps, donner une bonne leçon.

Abdechakour Rais Sur les pas de Benmoussa

Au vu de son parcours, Abdechakour Rais n’a rien d’un agent d’autorité ordinaire. De par sa formation tout d’abord. Rais est titulaire d’une licence en sciences économiques qui lui fait faire l’essentiel de sa carrière au sein du ministère des Finances, notamment au sein de la direction du budget où il a été tour à tour inspecteur, chef de service au département économique, chef de division du secteur agricole et puis directeur adjoint. En 1997, il change carrément d’orientation et se fait une virée au ministère de la Culture où il officie en tant que secrétaire général du ministère avant de revenir encore une fois aux Finances en tant que directeur adjoint au financement des projets publics. C’est en 2004 que le souverain choisit de le nommer à l’administration territoriale comme inspecteur général. Abdechakour Rais a été également Wali de la région Chaouia-Ouardigha avant de prendre en charge, lors du dernier mouvement, le poste stratégique de secrétaire général du ministère de l’Intérieur. Un poste qui a jusqu’ici souri à ceux qui l’avaient occupé avant lui : Chakib Benmoussa et Saad Hassar.