Une technost ructure bienvenue

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Cela vient du fait qu’ils ne viennent pas du monde de la politique et qu’au actualité politique Maroc on a longtemps opposé démocratie et technocratie. Depuis le début des années 80, cette opposition a eu le temps de s’affirmer et la classe politique en a fait ses choux gras. Les technocrates étaient accusés de manque de vision globale, de projet, de légitimité et surtout de ne proposer que des solutions techniques n’ayant aucune profondeur politique. On se rend alors compte aujourd’hui que ces accusations étaient abusives et injustes. Le fait est que ce qui est appelé aujourd’hui «le projet national» à été porté par cette technostructure, malgré les vicissitudes d’une vie politique agitée, d’une démocratisation molle et de problèmes socio-économiques graves.

Cette technostructure avait une vision pertinente du développement. C’est parce qu’elle partage cette vision qu’elle a été taxée de clan. Ce n’est effectivement pas une agglomération d’individus, mais une technostructure liée par une formation et des options communes. Elle influe sur les choix de l’Etat de la même manière que les cadres du ministère des Finances ont pu le faire pendant des décennies. Elle n’a cependant pas vocation à remplacer la classe politique. L’idéal serait qu’elle l’intègre comme cela se passe dans les démocraties les plus affirmées. Au Maroc, ce n’est pas encore envisageable à cause des structures partisanes qui demeurent fermées à ces profils. Ne reste donc plus que la cooptation par le sérail. Il faudra pourtant, pour maximiser l’apport de cette élite de l’élite, ce haut de panier comme on dit, normaliser les rapports.

En démocratie, ce sont les politiques qui doivent fixer le cap, faire les choix. Aux technocrates de les mettre en pratique. Nous n’en sommes pas encore là aujourd’hui. Cette technostructure n’est pas reliée aux instances représentatives, ce qui n’est pas de sa faute. L’anomalie est plus l’expression des défaillances des institutions démocratiques que d’un clanisme quelconque. Le Maroc peut s’enorgueillir d’avoir des cadres de ce niveau en grand nombre, qu’ils aient choisi de rentrer et de servir leur pays. Ce n’est pas le cas d’une majorité de pays en développement. Il n’y a donc pas lieu de parler de querelle entre démocratie et technostructure. Celle-ci a vocation à servir en fonction du degré d’avancement et de pérennisation des institutions. C’est le processus de démocratisation qui définit le rôle de la technostructure, pas l’inverse.

Ponts et Chaussées
Réseau ou parti politique ?

Mohamed Semlali

Ils n’ont pas de bureau politique. Ils n’ont pas de commission nationale. Ils n’ont pas non plus de secrétariats régionaux. Et pourtant, c’est pratiquement un parti politique qui ne dit pas son nom. Ce sont les lauréats de l’Ecole nationale des ponts et chaussées de paris. «C’est un parti transversal qui traverse toutes les formations politiques et tous les corps de l’Etat», nous avoue un ancien ministre. «Les camarades», c’est comme ça que les Ponts et Chaussées s’appellent intimement entre eux, sont présents un peu partout et pas seulement au ministère de l’Equipement et des transports qui est leur chasse gardée ou leur base de repli. Ils ont «envahi» le ministère de l’Intérieur où ils comptent une quinzaine de walis et de gouverneurs sans oublier le ministre lui-même et Nourredine Boutayeb, le directeur général des collectivités locales. Ils sont également à la tête des offices et des entreprises de l’Etat les plus prestigieux. Mustapha Terrab est à la tête de l’OCP alors que Mustapha Bakkoury dirige la CDG et que Moahmed Ayyad pilote la SNRT. Ils sont aussi au sein du gouvernement où Mohamed Boussaïd, ministre du Tourisme a succédé à un autre Ponts et Chaussées, Adil Douiri, côtoie Karim Ghellab ministre de l’Equipement et du transport.

Si l’apparition des ingénieurs sur la scène politique n’est pas un phénomène récent, il ne prend toutefois de l’ampleur que vers la fin des années quatre-vingt-dix quand Hassan II, afin d’équilibrer la circulation des élites à la tête de l’Etat, fait appel aux «ingénieurs». Conseillé par Mohamed Kabbaj et Abdelaziz Meziane Belfquih, le monarque va adouber plusieurs Ponts et Chaussées au sein de l’administration publique, mais également dans les entreprises étatiques. La nouvelle recette émerveille et attire l’attention des politiques mais plusieurs partis politiques s’inquiètent de l’arrivée sur la scène politique de cette nouvelle «caste». Les éditos des journaux de l’opposition d’alors dénoncent la mainmise sur les rouages de l’Etat d’une technostructure en manque de légitimité politique.

Mais cela ne dure pas. La mort de Hassan II et l’avènement d’un nouveau monarque change un peu la donne. Les Ponts et chaussées ne passent pas des filières apolitiques mais sont greffés à des partis politiques et non des moindres. La «vitaminisation» des partis commence et c’est le RNI et l’Istiqlal qui en sont les principaux bénéficiaires. Mohammed VI a pour souci d’équiper le Maroc et de réaliser de grands chantiers. «Les Ponts et Chaussées» répondent présents et sur les 400 lauréats de la grande école parisienne, des dizaines choisissent de servir le makhzen.

Aujourd’hui, ils n’avancent plus à «visages masqués» mais affichent haut et fort leur ambition. Ils se soutiennent, ils lobbyent et s’entraident. Ils prennent la relève au sein de l’appareil de l’Etat des professeurs universitaires et des juristes qui ont longtemps pullulé dans le système.

Mais, comme toute force montante, les Ponts et Chaussées commencent à susciter des réactions de jalousie et de défiance. Même s’ils demeurent des profils très recherchés, certaines voix n’hésitent pas à dénoncer des promotions basées sur la camaraderie et le réseautage au dépend de la compétence et de la méritocratie. En cela, la confrérie des Ponts et Chaussées porte déjà en elle les symptômes de sa déchéance.

«L’école est très ou verte sur l’international»

Fouad Douiri président de l’Amicale des ingénieurs des Ponts et Chaussées du Maroc.

L’Observateur du Maroc A quoi est dû, selon vous, le succès de la formation Ponts et Chaussées ?

Fouad Douiri. Fondée en 1747, l’Ecole nationale des Ponts et Chaussées (Paris Tech) est la plus ancienne école d’ingénieurs en France et probablement l’une des plus anciennes dans le monde.

Son credo est la formation d’ingénieurs polyvalents de haut niveau scientifique et technique, et ouverts aux disciplines économiques et managériales.

Elle est également très ouverte sur l’international et accueille des étudiants et des chercheurs de plus de 80 nationalités.

De plus, l’Ecole des Ponts et Chaussées développe de nombreux partenariats internationaux d’échanges d’étudiants ainsi qu’une formation MBA dispensée sur 4 continents, notamment à Casablanca, en partenariat avec l’Ecole Hassania des travaux publics.

Combien y a-t-il de lauréats de Ponts et Chaussées au Maroc et sont-ils tous bien intégrés ? Certains ont-ils choisi de rester à l’étranger ? Si oui, quel est leur pourcentage, et quelles sont les raisons qui poussent certains d’entre eux à rentrer et d’autres à rester à l’étranger ?

Le nombre d’ingénieurs marocains issus des Ponts et Chaussées s’élève à un peu plus de 300, dont près de 250 exercent des responsabilités de haut niveau au Maroc dans l’administration ou les sociétés publiques, ainsi que pour plus des deux tiers dans le secteur privé : BTP, industrie et services (transports, secteur financier, conseil, NTIC…).

Une cinquantaine de nos camarades exercent à l’étranger, essentiellement en France, Grande Bretagne, USA… Certains, que j’espère les plus nombreux, retourneront au Maroc après avoir acquis une précieuse expérience qu’ils mettront au service de leur pays. Quelques-uns, qui réussissent d’ailleurs de très brillantes carrières à l’international, resteront des ambassadeurs de notre pays là où ils sont.

Quelle est l’objet de votre amicale ? 

Tout Marocain admis à l’Ecole des Ponts et Chaussées devient membre de fait de notre amicale. Notre association est apolitique mais elle compte parmi ses membres plusieurs responsables politiques de diverses obédiences.

Je dois dire que si notre amicale est reconnue, c’est que, d’une part, nous sommes une ancienne association puisque nous fêtons notre cinquantenaire et, d’autre part, du fait de notre solide formation dans les domaines des aménagements et de la gestion des grands projets, un grand nombre de nos camarades a exercé dans l’administration. Certains ont depuis, grâce à leur compétence et leur dévouement, atteint de très hautes fonctions : conseiller de SM le Roi, ministres, walis…

Quelles sont les réalisations de votre association ?

L’objectif de l’amicale est de maintenir des liens de camaraderie, d’amitié et d’entraide mutuelle entre ses membres, de contribuer à conforter leur culture scientifique, économique et technique, mais aussi de participer aux grands débats d’intérêt national par l’organisation de conférences et de colloques. C’est ainsi que, répondant à l’exhortation de SM le Roi Mohammed VI, que Dieu l’assiste, dans son discours du 6 novembre 2008, l’Amicale des Ponts et Chaussées organise, le vendredi 08 mai 2009 à Rabat, un colloque international sur le thème: «Quelle régionalisation pour accompagner les réformes et le développement ?».

La riposte des écoles marocaines

Karim Rachad

L’école marocaine est en panne. Au Maroc, personne ne vous dira le contraire. Depuis des années, l’Etat a essayé de nombreux remèdes pour venir à bout de ce mal. En vain. Quelques structures par ailleurs arrivent à tirer leur épingle du jeu. Il s’agit de ces écoles d’ingénieurs qui ont plus que jamais la cote sur le marché du travail marocain. Parmi les plus emblématiques, l’Ecole Mohammedia des ingénieurs (EMI). Inaugurée par feu Mohammed V en 1959. Elle a réussi à former plus de 5.800 ingénieurs depuis sa création et en injecte aujourd’hui près de 400 sur le marché du travail, soit 25% des ingénieurs formés au niveau national. La particularité de cette école qui a réussi, depuis sa création, à s’illustrer sur la scène de la formation des cadres au Maroc, n’est autre que son mode de fonctionnement. Depuis 1981, les étudiants de l’EMI sont astreints à un régime militaire, à l’image de ce qui se passe à l’Ecole polytechnique en France. De ce fait, les lauréats sont ingénieurs d’Etat dans le civil et disposent du grade de sous-lieutenant de réserve. Et ces derniers ont investi la gouvernance de nombreuses structures, que ce soit dans les administrations et offices publics ou au sein de sociétés privées. Ainsi, on retrouve nombre de ces lauréats à la tête d’offices publics. C’est le cas de Mohamed Rabii Khlie, directeur de l’ONCF, d’Anas Alami, directeur de Poste Maroc, d’Abdellatif Zaghnoun, DG de l’administration des douanes, et de Abdelhamid Addou, patron de l’ONMT. Les services centraux et territoriaux du ministère de l’Intérieur n’échappent pas à cette mainmise des «émistes». On peut citer notamment l’exemple de Khalid Zerouali, directeur de la Coopération internationale et de l’immigration au sein de ce département ministériel, ou encore Mohamed Faouzi, actuel wali de la région de Meknès-Tafilalet. Autre exemple, Mohamed Lambarki, directeur de l’Agence de l’Oriental, est également passé par les bancs de l’école supérieure rbatie. L’EMI a même réussi à infiltrer le temple d’une autre corporation, les médecins en l’occurrence, avec Rahal Mekkaoui, secrétaire général du ministère de la Santé.

Autre école qui a réussi une véritable OPA sur la gouvernance au Maroc, l’Ecole Hassania des travaux publics (EHTP), sise à Casablanca. On doit la création de cette école d’ingénieurs à Hassan Chami, l’ancien patron des patrons. En 1971, alors qu’il était ministre des Travaux publics, Chami signe le décret de création de l’EHTP, devenue plus tard une pierre angulaire du système de formation d’ingénieurs au profit du ministère de l’Equipement, en plus d’autres départements comme celui de l’Energie, des mines et de l’eau. Abdelkébir Zahoud, actuel secrétaire d’Etat à l’Eau en est lauréat. Mais l’exemple de réussite le plus édifiant n’est autre que celui de Bouamar Taghouane, ministre de l’Equipement de 1998 à fin 2002, sous les deux gouvernements Youssoufi. Ce lauréat de l’Ecole Hassania a mis en place, tout au long de ses deux mandats, une organisation qui a mis au placard les «pontistes» au profit des lauréats de son école. Une organisation qui n’a pas beaucoup tenu après son départ et la nomination de Karim Ghellab à sa place.

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