Drogues au Maroc – Rien ne va plus !

Le Maroc est dans le rouge et les chiffres sont affolants. La dépendance ne rebrousse pas chemin et les plus jeunes en paient le prix dans une société qui préfère croiser les bras et voir le phénomène avancer, sans réagir. Selon un communiqué du ministère de la Santé à l’occasion de la Journée mondiale de lutte contre les drogues, célébrée cette année sous le signe de «Savoir plus, risquer moins», les populations concernées par la consommation de drogues sont de plus en plus jeunes, «avec une tendance croissante vers l’usage des drogues dures par voie injectable». Une stratégie est ainsi mise en œuvre pour lutter contre la toxicomanie à travers le renforcement de la prévention. En réalité, les fins fonds de la société n’ont jamais eu l’écho concret de ces événements ou de ces campagnes de sensibilisation. Les drogues rongent de plus en plus de jeunes et deviennent de plus en plus accessibles malgré les myriades de slogans et de messages diffusés. Selon des recherches menées en milieu universitaire dans le cadre de la stratégie de lutte contre la toxicomanie dans la région du Grand Casablanca, les bilans sont bouleversants : environ 20% des étudiants sont des usagers occasionnels, 3% à 5% des étudiants utilisent régulièrement ce genre de substances, tandis que la consommation de la population féminine est en forte augmentation. Les mêmes recherches attestent aussi que l’âge du début d’utilisation des drogues est de dix ans ! Un âge très précoce où le cerveau du pré-adolescent est en pleine mutation et s’ accoutume facilement à l’effet de ces substances contrairement aux plus âgés qui ne gardent plus la même sensation au fil du temps. Ces adolescents devenus accros donnent rendez-vous aux problèmes physiques et mentaux et s’abîment à volonté. Entre déscolarisation, désocialisation et conflits familiaux, les répercussions néfastes ne manquent pas. L’attachement à la substance est plus fort lorsque le développement de l’adolescent est encore en cours et c’est ainsi que son équilibre finit par être détruit.

Délire facilement assuré

Se procurer cannabis, héroïne, cocaïne ou encore ecstasy est désormais une affaire banale et le risque de ne pas en trouver reste très minime vu les nombreux «marchands ambulants». Dès la première prise, une personne peut accrocher et se retrouver contrainte d’accroître ses doses pour retrouver les sensations de la première fois. «Les causes de la dépendance diffèrent, mais les résultats restent les mêmes. On peut les classer en trois catégories. Il y a d’abord les causes dues à des troubles de personnalité ou à des débuts de psychose. Viennent ensuite les causes domestiques (déchirement de la cellule familial, environnement disharmonieux, consommation de drogue par l’un des parents lui-même). Les facteurs socio-environnementaux contribuent également à ce phénomène. C’est le cas par exemple lorsque les quartiers ne disposent pas d’infrastructures sportives ou culturelles et que les jeunes finissent par se réfugier dans la drogue afin d’extérioriser un trop plein d’énergie», explique Bouchaib Karoumi, psychothérapeute. Il ajoute que la dépendance reste un cercle vicieux qui conduit la personne vers sa marginalisation et affecte sérieusement ses rapports avec les autres. Pourtant, s’adonner aux drogues ne présente pas de problèmes pour certains qui s’autoproclament «occasionnels», alors qu’ils sont déjà «accros». «Vous ne pouvez pas dire qu’on est accro juste parce qu’on en prend de temps en temps. Vous devez comprendre que c’est une façon comme une autre de s’amuser entre copains et de s’éclater durant nos “fiesta” !» s’écrie Youssef, comme s’il défendait une cause nationale. Si les campagnes de sensibilisation n’ont jamais eu l’effet escompté, c’est aussi parce que les messages ne sont pas convenablement véhiculés…

L’aider ou pas ?

Face à de telles situations, les parents désespèrent souvent et ne savent pas vraiment comment s’y prendre pour aider leurs enfants à s’en sortir. Consulter un centre spécialisé n’est pas du goût de toutes les familles qui ne se voient pas prêtes à dépenser des fortunes en cures de désintoxication. La société, quant à elle, rend ce sujet tabou. «La mentalité marocaine vit encore avec certains blocages. Pourtant, les familles que l’on reçoit ne veulent pas se perdre en vaines formalités et se donnent corps et âme pour le bien de leurs enfants, mais c’est encore mieux si l’entourage n’est pas au courant» affirme M. Hayati, l’infirmier-chef du Centre national de prévention et de recherche en toxicomanie à l’Hôpital Errazi à Salé. D’autres parents, en revanche, ne devinent pas cette dépendance alors même que leurs adolescents sont sérieusement touchés. «La vigilance est vivement de mise. Les parents doivent suivre leurs enfants, les assister et leurs faire pratiquer plusieurs activités. Un climat où communication et harmonie sont unies offre un environnement sain et ouvert. Il faut surtout donner l’exemple. Il est insensé de dire que la cigarette est mauvaise pour la santé alors que le parent fume comme un pompier» précise le Dr Karoumi.