Restructuration des investissements étrangers en Algérie

L’Algérie envisage de réviser sa politique en matière d’investissements étrangers afin de voir les entreprises locales jouer un rôle plus important et augmenter leur part de bénéfices. Cette décision confirme de manière insistante le fait de vouloir être davantage impliqué dans la direction que va prendre l’économie du pays.

Tous les projets énergétiques actuellement en cours avec des compagnies étrangères, mais qui n’ont pas encore été approuvés, seront renégociés de manière à garantir une participation majoritaire aux partenaires algériens dans ces projets, a fait savoir Chakib Khelil, ministre de l’énergie et des mines, le 12 octobre.

« La renégociation du partage du capital dans les projets s’inscrit dans le cadre de nouvelles directives visant à placer le capital national dans une position majoritaire à l’avenir, particulièrement dans l’activité pétrochimique et la mise en valeur de nos ressources naturelles », a déclaré M. Khelil à l’APS, l’agence de presse nationale.

Le ministre a indiqué que dans le cas où le partenaire étranger refuserait d’être placé dans une position minoritaire, des efforts seraient déployés pour trouver un terrain d’entente, en l’impliquant par exemple dans la gestion du projet, ou par le biais d’un transfert de connaissances et de technologie.

Cette décision semble s’inscrire dans un vaste programme visant à réduire le rôle des compagnies étrangères dans l’économie algérienne tout en soutenant celui des entreprises locales.

A l’origine de ce tournant politique, le discours prononcé le 26 juillet par le Président Bouteflika, dans lequel il a vivement critiqué les investisseurs étrangers et le processus de privatisation. Selon lui, la politique d’investissement engagée par le gouvernement, qui offre un seuil d’imposition relativement bas et des primes aux investisseurs étrangers, n’aurait pas permis la croissance économique escomptée. Le président a accusé certains investisseurs de faire des profits aux dépens du peuple algérien, engageant de faibles sommes sur des projets en Algérie, puis transférant des montants financiers très importants à l’étranger. Il a ajouté que, par conséquent, il envisageait de revoir les règles de privatisation et d’investissement.

Cette révision a très vite été mise en œuvre, avec la promulgation, au mois d’août, d’une nouvelle loi limitant la participation des investisseurs étrangers engagés dans des projets en Algérie à 49%, tous secteurs confondus. Par ailleurs, le nouveau cadre réglementaire appelle les investisseurs étrangers bénéficiant d’exonérations d’impôts à réinvestir en Algérie le montant équivalent de la déduction fiscale dans un délai de quatre ans.

L’impact de ce nouveau cadre réglementaire sera formidable puisque l’Algérie prévoit d’investir 45,5 milliards de dollars d’ici à 2012 afin de développer le secteur de l’énergie, bien que, selon un communiqué de Mr. Khelil paru le 2 août dernier, la contribution des partenaires étrangers serait limitée à 9,7 milliards de dollars, tandis que le reste proviendrait de la société pétrolière publique, la Sonatrach.

En outre, une nouvelle taxe applicable à certaines sociétés étrangères présentes en Algérie entrera en vigueur le 1er janvier 2009, a fait savoir la presse locale le 2 septembre. Le budget 2009, récemment approuvé par le gouvernement, envisage une taxe de 15% sur les transferts de capitaux à l’étranger par des sociétés non enregistrées aux termes de la législation algérienne, mais opérant dans le pays.

Le Premier ministre Ahmed Ouyahya a fait savoir aux entrepreneurs nationaux, dans un communiqué à la presse locale le 11 septembre, «l’importance que le gouvernement leur accorde et les espoirs que l’Algérie fonde en eux pour la construction d’une économie solide et diversifiée».

Une semaine plus tard, la presse algérienne publiait une série d’articles faisant état d’une enquête par un comité regroupant des représentants des douanes, de la Chambre du commerce et des impôts, levant le voile sur un certain nombre de fraudes fiscales réalisées par des compagnies pétrolières étrangères, représentant quelque milliards de dollars de pertes de recettes pour l’Etat. Si les rapports ne révèlent aucun nom, les articles parus traduisent des soupçons grandissants à l’encontre des investisseurs étrangers.

L’industrie pétrochimique n’est pas la seule à être passée au peigne fin. Courant septembre, la presse algérienne accusait certaines sociétés pharmaceutiques étrangères implantées dans le pays d’avoir recours à des pratiques illégales, notamment les pots-de-vin, en vue de doper la vente de leurs produits.

L’Algérie est intervenue le 21 octobre pour défendre son industrie pharmaceutique. Le ministre de la communication, Abderrachid Boukerzaza, a déclaré à la presse que les importations de médicaments se verraient interdites si un produit identique ou similaire était fabriqué dans le pays.

Il a condamné les laboratoires étrangers de profiter des déficiences du système judiciaire et de la libéralisation des prix en Algérie pour réaliser des bénéfices ahurissants. Il a ajouté que les entreprises qui entendaient, à l’avenir, commercialiser leurs produits en Algérie, se devaient d’investir dans le pays dans un délai de deux ans à compter de la date de commencement de leur activité.

Si la nouvelle politique destinée à recadrer l’investissement étranger reflète un mécontentement grandissant face au manque de profits réinjecté dans l’économie algérienne, elle indique par ailleurs une confiance accrue de l’Algérie dans sa capacité à gérer ses propres affaires sans intervention extérieure. Il semblerait que l’Algérie, loin de vouloir décourager l’investissement étranger, n’ait plus besoin d’autant d’atouts pour appâter les capitaux étrangers.