Pierre-Louis Boissière, le président du directoire du Crédit du Maroc, a invité l’économiste principal du Crédit agricole français, Jean Paul Betbèze pour animer une conférence autour de la crise financière actuelle. Le conférencier, qui est également membre du Conseil d’analyse economique auprès du Premier ministre français a abordé en premier les causes de la crise. Pour lui, ses sources sont bien localisées dans «trois mondes». Le premier qu’il appelle M1 serait les Etats-Unis avec la crise numéro Un, celle des «subprimes» et relative à la chute des encours de papiers commerciaux et des prix immobiliers ou, autrement dit à «une dette qui était adorée, puis crainte». Une autre crise relative à l’inflation et la hausse des prix des matières premières a été connue par le monde des BRIC, c’est-à-dire le Brésil, la Russie, l’Inde et la Chine.
Toutefois, pour J-P Betbèze, l’inflation n’était pas la cause de la crise actuelle «puisque les taux d’intérêt réels dans les BRIC sont restés relativement stables». Ensuite, les deux crises se sont confrontées et ont attaqué le monde européen (M3, dans la terminologie du conférencier). L’Europe a été frappée par la crise financière et a subi les effets de l’inflation. A cela s’ajoute une crise immobilière d’envergure pour certains pays, et un coup de froid pour les exportations. Pour résumer, tout a commencé avec la crise américaine qui s’est propagée à l’Europe puis à la périphérie européenne, les pays de l’Est et les pays du pourtour méditerranéen.
Et le Maroc là dedans ? C’était d’ailleurs l’objet de la conférence. «Il n’y a aucune raison de démentir les autorités économiques et financières du pays», nous dit J.P Betbèze, «le Maroc connaîtra certes une mauvaise croissance économique en 2009 et un ralentissement de ses échanges extérieurs et des investissements étrangers. Cependant, l’attachement de l’économie marocaine aux deux monnaies phares, dollar et euro, lui garantit une prémunition contre le choc», rassure le conférencier. J-P Betbèze n’hésite pas à qualifier la croissance marocaine de «volatile» et l’équilibre budgétaire de «problématique». Par contre, l’inflation au Maroc reste bien contrôlée, relève-t-il. Après plusieurs années de modération des prix, 2008 marque un retour à la hausse, malgré le maintien de subventions diverses, pour les carburants en particulier. L’inflation devrait atteindre 5% cette année contre 2% en 2007.
Par ailleurs, l’économiste en chef de la banque française nous annonce que le système bancaire marocain, équilibré et dominé par les capitaux marocains assure une bonne résistance. J-P Betbèze s’attend à une sortie de crise qui passera certainement par le biais de mariages, de fusions de disparitions de banques. Pour lui, «et une reconstruction du système bancaire» est nécessaire, voire inévitable. La phase bancaire induira également une révision des conditions de liquidité, de solvabilité et de comptabilité. En entrant dans la phase industrielle et d’investissement, les taux d’intérêts vont reprendre, d’où la reprise. Ces ajustements prendront le temps qu’il faudra, soit deux années, pronostique le conférencier. La crise actuelle n’est pas conjoncturelle. Elle est au contraire mondiale et plus longue. Aussi, les pays doivent-ils rechercher des solutions régionales et des politiques de zones. Ils doivent également trouver le moyen de réglementer la libéralisation».