L’argent du pétrole africain
Qui nourrit l’autre ? Est-ce le Nord qui aide le Sud ou est-ce le Sud qui participe au développement du Nord ? La question peut surprendre les puristes des premières théories du développement, elle ne surprendra pas néanmoins les statisticiens. Ces derniers sont capables de nous démontrer que les flux de capitaux du Nord vers le Sud, au titre de ce qu’on appelle l’aide publique au développement, étaient de 100 milliards de dollars alors que les flux en sens inverse étaient de 500 milliards. Chaque fois que le Nord met un dollar d’aide dans la main d’un pays du Sud, il en retire 5. Ceci est désormais chose connue. Dans les transferts Sud-Nord il y a du légal et surtout il y a de l’illégal. C’est cette dernière composante qui laisse songeur. On l’est d’autant plus quand il s’agit de l’Afrique, continent encore empêtré dans les problèmes basiques du développement.
Selon une estimation du Global Financial Intergrity, entre 2002 et 2006, la fuite des capitaux du Sud se situe entre 859 milliards de dollars et 1.06 trillion, voire même 1,8 btrillion par an. Même si on garde l’estimation la plus basse, l’hémorragie est immense. Les champions sont bien sûr des pays où la démocratie est la valeur la moins sacrée, ce qui permet aux dirigeants de se mettre à l’abri du besoin et des coups d’Etat, en alimentant des comptes dans des banques étrangères ou des paradis fiscaux. Une chose est sûre, alors que l’Afrique croule sous les poids de la dette, des études réalisées par Ndikumana et Boyce ont démontré que le continent est devenu créditeur net vis-à-vis du reste du monde. A peine croyable. Et pourtant c’est la réalité. Ainsi, entre 1970 et 2008, l’Afrique a transféré plus de 854 milliards de dollars vers des pays du Nord. Ce montant est suffisant non seulement pour éponger toutes les dettes du continent (250 milliards de dollars à fin décembre 2008), mais aurait pu résoudre pas mal de problèmes liés au sous-développement dont celui de la pauvreté et de la malnutrition. Plus encore, les flux ont augmenté entre les années 70, où ils étaient de 57 milliards de dollars, à plus de 437 milliards de dollars durant la période 2000-2008. Le continent exsangue ne peut que regarder ses ressources s’envoler vers des banques occidentales. Champion de cette hémorragie, le Nigéria a, à lui seul, transféré plus de 54 milliards de dollars durant la période allant de 1970 à 2008. Si certains continuent à se demander à quoi sert l’argent du pétrole algérien, la réponse est simple. Depuis les années 70, le pays a été siphonné pour cumuler en 2008, 26 milliards de dollars. Le phénomène est très intense dans les pays riches en pétrole. C’est le cas de l’Algérie et du Nigéria. Sur le flux total, les pays pétroliers ont transféré illégalement près de 317 milliards alors que les pays non pétroliers n’en ont transféré que 49 milliards de dollars.