Algérie : La Kabylie demande le divorce

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AHMED CHARAI

Une nouvelle fois le mouvement berbériste algérien se met en branle et organise de grandes manifestations partout en Algérie. Il faut savoir que la Kabylie est en rupture de ban depuis 1993. Cette région ne pose pas la question berbère en termes culturels, mais bien en termes politiques, séditieux pour les plus radicaux.

Plusieurs éléments sont à l’origine de ce malaise relevant de l’histoire. L’identité algérienne s’est construire dans la lutte contre l’occupant français, elle est plutôt jeune et fragile. Or à l’indépendance, les maîtres du Front de libération nationale (FLN) ont décrété l’arabisation à tout crin, pour contrer la langue de l’occupant largement répandue, mais sans faire place à la langue berbère, celle de la population d’origine.

Le panarabisme du régime s’est doublé d’une autre injustice historique. Les Kabyles ont payé, avec les Algérois, le prix fort de la guerre contre la France. Les fellaghas s’étaient tous repliés dans les montagnes Kabyles.

Economiquement c’est une région dévastée. Elle ne survit que grâce à la manne offerte par l’émigration.

Les mauvaises réponses Au printemps 93 et cycliquement depuis, le mouvement berbère s’agite. Il y a quelques années les Kabyles ont repris d’anciennes formes d’organisations sociales, faites d’assemblées tribales qu’ils ont substituées à l’organisation administrative de l’Etat algérien. Aux élections, seuls les fonctionnaires, par peur de répression, votent. Le niveau de la participation atteint rarement les 5%. Le régime algérien n’a eu pour réponse que la répression souvent violente et les tentatives de division. Il a tenté de jouer les partis nationaux bien implantés en Kabylie contre ce mouvement beaucoup plus enraciné. Ce que le Maroc a fait, l’IRCAM, la reconnaissance de la langue etc., aurait pu constituer un début de réponse. Les militants du MAK le répètent sans cesse. L’Etat algérien est dans le déni. La particularité en Algérie c’est que la Kabylie est une région berbère unifiée qui concentre la population berbérophone. Homogène, elle peut prétendre à la partition, ce que les dirigeants les plus radicaux font. Déjà en butte à une guerre civile larvée, l’Algérie voit ressurgir le spectre de la sédition Kabyle. Le régime tenu de main de fer par les militaires paraît incapable de trouver une issue. Et s’il tentait la démocratie ?

«10 millions de Kabyles n’ont aucun statut et la Kabylie n’a aucun titre officiel».

Ferhat Mehenni, Président du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie

Entretien réalisé par hakim arif

L’Observateur du Maroc. Votre mouvement, le MAK, a appelé à une marche le 12 janvier. Comment s’est-elle déroulée et quel en est le bilan ? Ferhat Mehenni. Eh bien, malgré la répression, l’intimidation, l’insécurité et le terrorisme importé dans la région kabyle, 10.000 marcheurs ont répondu à l’appel, à Béjaïa et Tizi Ouzou. Nous considérons que c’est une réussite. Toutefois, nous demeurons sans nouvelle d’une dizaine de nos militants. Personne ne sait où ils sont à l’heure qu’il est. Nous restons sur que le qui-vive tant qu’ils ne sont pas rentrés chez eux.

Quelles sont les perspectives de vos revendications ? 
La question kabyle empoisonne le climat social depuis l’indépendance. Il s’agit tout de même du tiers de la population. 10 millions de Kabyles n’ont aucun statut et la Kabylie n’a aucun titre officiel. En outre, il n’existe pas à proprement parler de région kabyle. Le pouvoir l’a dispatchée sur quatre wilayas à des fins de séparation.

Vous revendiquez une autonomie dont le pouvoir ne veut pas entendre parler. Que ferez-vous si ce refus persiste ?
Nous revendiquons une autonomie pour laquelle nous avons tout préparé. Nous avons adressé une demande officielle aux autorités algériennes et aux instances internationales dans laquelle nous avons mis en relief les caractéristiques de cette autonomie. Bien sûr il existe certains domaines de souveraineté que nous respectons. Cela dit, si le pouvoir continue à ignorer nos revendications, peut-être que celles-ci se transformeront en autre chose.

Irez-vous jusqu’à des confrontations physiques ?
D’abord, nous ne sommes pas pour la manière forte. Par contre, si l’Etat nous refuse l’autonomie, il pourrait y avoir d’autres formes de lutte. Nous ne voulons pas en arriver là surtout que près de nous, le Maroc avance sur ce sujet. Alors qu’il offre l’autonomie, nous sommes ici contraints de la réclamer, laissant au passage des martyrs. Le roi du Maroc a créé une commission consacrée à la régionalisation ce qui pourrait être considéré comme un exemple valable non seulement pour la région mais pour le monde entier.

Vous-mêmes vous avez souffert de l’attitude de l’Etat algérien. Est-ce cela qui explique votre persévérance. Il est vrai qu’on a assassiné mon fils, ce qui est pour moi une catastrophe personnelle. C’est vrai aussi que j’ai été emprisonné une douzaine de fois. Tout cela je le mets sur le compte du militantisme. Mais la question de l’autonomie dépasse mon état d’âme. Il s’agit de la revendication de plus de 10 millions de Kabyles.

Quels sont vos projets pour l’immédiat ?
Nous avons déjà fait manifester pas moins de 120.000 personnes et nous comptons en mobiliser 200.000 la prochaine fois. Ce sera le 20 avril prochain pour célébrer le printemps kabyle. Il faut savoir que ce n’est jamais facile. L’Etat mobilise 150.000 soldats dans la région.

Algérie La marche des Amazighs

 

hakim arif

Malgré la répression, les intimidations et le terrorisme importé dans la région, 10.000 marcheurs sont allés jusqu’au bout de leur marche, assure le président du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie, Ferhat Mehenni. Le MAK entendait ainsi célébrer le nouvel an berbère et par la même occasion manifester sa détermination à poursuivre le combat. «La marche s’est bien déroulée mais nous restons sans nouvelles de 10 militants», indique le président. Le Mouvement va bien sûr demander des comptes et si les militants ne sont pas de retour, «il y aura plus de manifestations jusqu’à leur retour», promet-il. Ferhat Mehenni, célèbre chanteur et universitaire reconnu, était parmi les créateurs du parti le RCD, parti qu’il a quitté en 1995 lorsqu’il a senti que celui-ci était devenu «collaborationniste», explique-t-il. Il fallait donc inventer un autre cadre de militantisme et canaliser les revendications sociales kabyles. D’où le Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie. Une lutte va commencer, ponctuée par des accès de répression qui ont laissé plus de 128 morts en 1995. C’est que le Mouvement est devenu une véritable force. Il a pu mobiliser plus de 120.000 personnes en avril 1980. L’anniversaire sera encore chaud. «Pour avril prochain, nous comptons faire descendre 200.000 personnes dans les rues», assure Ferhat Mhenni. Pour le pouvoir algérien ce sera un challenge. Il aura tout fait pour que la question kabyle ne dépasse pas les frontières d’une Kabylie marginalisée et confinée dans une séparation administrative factice. «La Kabylie n’existe pas pour le pouvoir, explique F. Mehenni. Elle est partagée entre plusieurs wilayas». Le pouvoir algérien, depuis Houari Boumediène, n’a jamais reconnu la culture kabyle. Ce qui a donné lieu au Printemps de Kabylie sévèrement réprimé. Plusieurs années plus tard, les Kabyles constatent qu’ils n’ont rien obtenu et que le pouvoir ne réalise rien des maigres engagements qu’il avait promis. «Nous tenons à notre autonomie», maintient le président de MAK qui ne conçoit pas l’autonomie en dehors du cadre d’une Algérie qu’il aime. Néanmoins, si le pouvoir continue à refuser toute discussion, il est fort probable que «le Mouvement se transforme en une autre revendication», avertit F. Mehenni qui n’exclut pas que cette revendication soit tout simplement une indépendance en bonne et due forme. Déterminé comme le sont tous les membres du Mouvement, F. Mehenni qui a été emprisonné 12 fois à cause de son militantisme risque encore gros. Il ne peut pas rentrer en Algérie et ses avocats essaient de savoir s’il fait vraiment l’objet d’un mandat d’amener, comme cela a été dit dans les médias algériens. Le 18 décembre dernier, il a été refoulé de Tunisie. Il n’a pas pu dépasser le contrôle de police et a été remis immédiatement dans un autre avion. F. Mehenni voulait juste rendre visite à sa mère (84 ans) qu’il n’avait pas vue depuis longtemps. Aussitôt, il y a vu un autre coup du pouvoir d’Alger. Si l’homme fait peur au pouvoir, c’est qu’il y a de quoi. C’est lui qui avait organisé le boycott scolaire en 1995 (les 128 morts). Il est aussi très populaire et les organisations internationales le connaissent bien et connaissent son combat.

La marche
Pour El Arbi Tayeb, le président du Conseil national du MAK, la marche à laquelle le mouvement a appelé s’est bien déroulée et a bien montré le degré d’organisation du MAK. Il y a eu, précise-t-il, plus de marcheurs à Vgayet qu’à Tizi Ouzou, mais c’était selon lui dû au fait que le mouvement avait organisé des conférences à Vgayet ce qui lui a permis de mobiliser plus. Pour préciser, le professeur universitaire, souligne que ce sont les étudiants qui ont pris en charge l’organisation de la manifestation qui a attiré des marcheurs de Boumerdès qui se situe à l’entrée d’Alger. Quel résultat donc ? El Arbi Tayeb estime que déjà, le mouvement a réussi à dépasser la peur. Puisque toute manifestation non officielle est interdite par le pouvoir central, les marcheurs ont pu, par leur acte pacifique, rétablir un droit, celui de manifester. Toutefois, insiste le président du Conseil national, il s’agit d’une «marche démocratique» dans la mesure où chaque citoyen était libre de la suivre ou pas. L’autre bénéfice de cette action est que le MAK est sorti de son isolement. Il est aujourd’hui un mouvement structuré avec des instances élues et une répartition des tâches entre les différents secrétariats. L’idée a germé en 2007 dans l’esprit du célèbre chanteur Ferhat Mehenni qui en est le président. L’autonomie pour les militants du MAK est une solution étant donné que «l’Algérie ne peut être gérée comme cela se fait actuellement», explique E. Tayeb qui distingue entre la régionalisation et l’autonomie. Pour lui, c’est cette dernière qui constitue la véritable solution tandis que dans la régionalisation, le pouvoir central maintient son emprise sur toutes les régions. A ce titre, l’exemple marocain constitue une référence utile. «En ayant le courage de créer la commission sur l’autonomie, le roi du Maroc a donné un exemple non seulement aux pays de la région mais c’est un exemple à suivre à l’échelle planétaire», estime le président du Conseil national du MAK. Il est dans ce cas en parfaite cohérence avec un article écrit par le président Ferhat Mehenni et dans lequel il fait une comparaison entre le Maroc et l’Algérie en ce qui concerne le traitement de la question de l’autonomie. «Dans son discours prononcé à Marrakech, à l’occasion du 10e anniversaire de son arrivée au Trône, Mohammed VI a réaffirmé sa volonté de faire bénéficier toutes les régions du pays de ce nouveau mode de gouvernance qui est l’autonomie élargie dont le Sahara va être le premier bénéficiaire», souligne le président du MAK. La comparaison avec l’Algérie suit aussitôt puisque l’auteur précise que «la Commission Sbih, chargée de proposer un schéma de régionalisation, a rendu ses conclusions depuis cinq ans. Bouteflika l’a jeté dans le tiroir des enterrements où gisent déjà le rapport Issad sur la refonte de la justice et celui de la Commission du même nom sur le «printemps noir» de 2001». Ferhat Mhenni trouve que ce contraste saisissant entre une monarchie populaire qui se démocratise et une «démocratie populaire» qui se fossilise «montre à lui seul qui est la famille qui avance et celle qui recule». Ayant fait ce constat sans appel, l’auteur en arrive à déceler «deux attitudes opposées : celle de dirigeant ayant l’amour de leur pays et ceux qui ont la haine de leurs peuples». C’est donc pour pousser les gouvernants «que nous subissons chez nous à aller dans le sens du progrès et de l’Histoire», que les Conseils Universitaires du MAK de Vgayet et de Tizi-Ouzou ont appelé à des marches dans ces deux capitales kabyles pour mardi 12 janvier 2010 à 10h. «Notre Mouvement fera de ce Yennayer un rendez-vous avec notre destin de liberté», promet Ferhat Mehenni.

Kabylie : Une cause, une lutte… une répression

 

Mouna Izddine

L’Algérie est en fête depuis ce 12 janvier 2010. Comme tous les Berbères d’Afrique du Nord, les Amazighs d’Algérie commémorent Yennayer 2960. D’Alger à Oran, de Constantine à Paris, et de New-York à Bruxelles, ils sont des milliers à s’être réunis, en famille, dans les associations culturelles, politiques et communautaires, voire avec les élus locaux de leur ville de résidence, pour célébrer l’entrée dans le nouvel an du calendrier agraire. Un air de fête flotte ainsi sur l’Algérie officielle, mais ne fait pas oublier à ses citoyens amazighs, en son sein comme de par le monde, l’essence de leur cause. A savoir la reconnaissance par le régime actuel, sous la férule du président Abdelaziz Bouteflika et de la constante militaire, de la berbérité comme composante fondamentale de l’identité algérienne. Une contestation qui va jusqu’à faire revendiquer aux militants amazighs le statut de «jour férié, chômé et payé» à cette fête millénaire, que le pouvoir en place a décidé de célébrer depuis 1999 : «Le pouvoir politique, dans ses professions de foi conjoncturelles, notamment dans les périodes de crise, concède une existence à l’amazighité. Uniquement dans le discours. On reconnaît l’amazighité dans le passé, dans la paléontologie, en sous-entendant que nous sommes des Berbères, mais que l’Islam nous a arabisés. Le triptyque amazighité, arabité et islamité, reconnu par la Constitution, veut dire concrètement amazighité dans le passé, arabe comme unique langue officielle et Islam comme religion unique (…). Qu’est-ce qui empêche le pouvoir politique de réhabiliter Yennayer ? C’est dans sa nature même qui est uniciste, basée sur la conception fascisante : un pays, une nation, un peuple, une langue, un chef (…). L’Algérie actuelle ne prendra acte de son histoire, de sa préhistoire, de sa sociologie, de sa pluralité, que le jour où Yennayer sera jour férié au même titre que Aoual mouharam ou le 1er janvier», clame ainsi le journaliste et militant Arezki Aït Larbi (El Watan, édition en ligne du 12/01/10). «Chaque année, nous renouvelons le même appel en direction des décideurs pour qu’ils franchissent ce cap. A mon sens, la volonté politique existe, même si elle est frileuse et j’imagine qu’il y a des résistances dans un certain sérail politique, de l’ostracisme pratiqué par certains décideurs», justifie vaguement pour sa part auprès du même quotidien, Youcef Merahi, secrétaire général du Haut-commissariat à l’amazighité (HCA), instance rattachée au Palais El Mouradia. Et plus les réponses politiques du gouvernement Ahmed Ouyahia se font floues, plus les Amazighs, Kabyles en tête, montent le ton. Et plus la répression se durcit à l’encontre de ceux que les services secrets algériens accusent, depuis l’indépendance du pays en 1962, de connivence avec de «fourbes intérêts étrangers» désireux de «déstabiliser une république unie» sous prétexte d’autonomie régionale. Mais cet acharnement, policier hier, davantage politique aujourd’hui, ne fait pas baisser les armes aux activistes de la cause kabyle, renforçant même davantage leur détermination, voire radicalisant leur combat pour une fange parmi eux. Et faisant ressurgir de douloureuses réminiscences dans la mémoire de tous les Berbères d’Algérie. La plus vivace, car la plus récente, demeure sans conteste le fameux «Tafsut Taberkant» ou «Printemps noir» en tamazight. Tout commence avec l’assassinat dans les locaux de la gendarmerie de Beni Douala, le 18 avril 2001, du jeune lycéen kabyle Massinissa Guermah, 16 ans, suivi du rapt deux jours plus tard de trois collégiens à Amizour, près de Bejaïa. Le 22 avril, suite au démenti par la presse de l’information du ministère de l’Intérieur selon laquelle la victime était «un délinquant de 26 ans», de violentes altercations éclatent dans la région entre les habitants, majoritairement des adolescents, et les forces de l’ordre, les gendarmes n’hésitant pas à tirer à balles réelles sur les manifestants. Un mois plus tard, l’insurrection se propage dans toute la Kabylie, avant de gagner les rues d’Alger, où, le 14 juin 2001, près de 4 millions de manifestants marchent vers le palais présidentiel pour remettre leurs doléances au chef de l’Etat : emploi, logement, éducation, santé pour tous, lutte contre la corruption… Avec, en tête du cortège protestataire, la «Coordination des Aarchs, Daïras et Communes» (CADC, comités de villages et de tribus kabyles), menée par le trublion gauchiste de Tizi Ouzou, Belaïd Abrika. La grogne populaire monte, saccageant bâtiments publics et autres symboles du régime. Les représailles de la police et de l’armée sont sanglantes : tirs dans foule, matraquage des manifestants, incendie de maisons, arrestations massives et interrogatoires musclés des présumés meneurs de la fronde… jusqu’au fin fond des villages kabyles. Le 25 juin, la Kabylie s’enflamme à nouveau en souvenir du 3e anniversaire du meurtre de l’artiste, chanteur et poète engagé, Lounès Matoub. La situation ne se calmera qu’en avril de l’année suivante. Bilan de cette année de sang : 126 tués, plus de 5000 blessés, des millions de dinars de dégâts, des dizaines de disparus et de condamnés à de lourdes peines. Parmi lesquels Belaïd Abrika, arrêté le 13 octobre 2002. Relâché en juin 2003, c’est lui qui mènera les principaux pourparlers avec Ahmed Ouyahia le 25 janvier 2005. Quatre années plus tard, Belaïd Abrika poursuit le régime algérien devant la justice internationale pour crime d’Etat, et continue de réclamer le respect par le gouvernement des deux tiers des engagements pris en 2005. A l’exception des maigres réparations financières versées aux victimes des émeutes de 2001-2002 (un peu plus de 23.000 euros pour les familles des tués et de 50 à 150 euros environ par mois pour les blessés) et la reconnaissance du tamazight comme langue nationale dans la Constitution, les autres réclamations afférentes à la plate-forme d’El Kseur demeurent en effet insatisfaites à ce jour. Crainte de dévoiler au grand jour les véritables commanditaires de ces tragiques représailles et partant, les liens entre l’armée et un gouvernement perçu comme la simple marionnette de la Grande Muette ? Peur, en reconnaissant le tamazight comme langue officielle et non seulement nationale, de mettre en danger «l’unité de la nation arabo-musulmane d’Algérie», «si difficilement mise en place» au lendemain de la colonisation française ? Quoi qu’il en soit, huit ans après les sanglantes émeutes de 2001, la Kabylie repose toujours sur une poudrière d’acre ressentiment et d’insécurité : insuffisance d’infrastructures sociales de base, néant culturel, mise au ban économique, terrorisme islamiste, kidnappings de businessmen et d’enfants de notables, trafic de stupéfiants et autre grand banditisme. Pis, du côté des autorités, la répression de l’activisme amazigh a revêtu des allures plus sournoises : interdiction de manifester, procès expéditifs contre les journalistes jugés « pro-kabyles», ou encore réduction des libertés individuelles sous prétexte de guerre contre l’hydre intégriste. Un ras-le-bol qui pousse une fange des quelque 6 millions de kabylophones que compte la planète, à réclamer de plus en plus virulemment l’autonomie, voire l’indépendance, de leur région natale. Une diaspora aussi auprès de laquelle les figures de proue du militantisme berbère, de Belaïd Abrika à Ferhat Mehenni, président du Mouvement pour l’autonomie de la Kabylie (MAK, dit «Timanit I Tmurt N Yeqvayliyen), trouvent un écho précieux à l’internationalisation de la cause kabyle. Et leurs efforts portent leurs fruits, les médias du monde entier braquant de plus en plus leurs caméras scrutatrices vers «ces humbles des montagnes oubliés de Bouteflika, de ses généraux et de leurs pétrodollars». Jusqu’à quand Alger persistera-t-elle dans sa politique de l’autruche ?

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