Classe moyenne Le dilemme de l’accès au logement
Pour la classe moyenne, qui reste encore indéterminée, acquérir un logement au Maroc n’est pas tâche aisée. Et pour cause, l’offre générale concerne surtout les logements pour familles à revenus faibles ou offre des résidences luxueuses réservées aux budgets cossus. Certes, cette situation dure depuis les années 80, mais aujourd’hui, vivant dans des logements sociaux, ou dans des conditions précaires ou encore surendettée, la classe moyenne fait face à une véritable crise de logement. Où résident les éléments de cette crise ? Pour le savoir, il faut apporter des réponses aux questions suivantes : Suffit-il d’avoir un revenu «suffisant» ? A combien est estimé ce revenu suffisant ?
Il est clair que le dilemme auquel sont confrontées les couches moyennes, lors de l’acquisition d’un logement, n’est rien d’autre que ce point de revenu «suffisant» qui demeure relatif. En effet, ces dernières ne trouvent pas d’offre adaptée à leur besoin relatif. On trouve soit du logement de type économique, soit du haut standing. Le reste se vend, pour la majorité, à partir de 800.000 DH. D’où la question : où est la place du moyen standing. Pire encore, 800.000 n’est que le prix apparent mais le prix réel tourne autour de 900.000, voire même 100.0000 DH. Et pour cause ! Un autre problème empêchant de nombreuses personnes d’être propriétaires de leur maison se pose. Il s’agit du «noir». Or, les banques n’accordant des prêts qu’à hauteur du montant stipulé dans le contrat officiel.
Le clair-obscur
Le ministère du logement reconnaît qu’il existe un grand déficit en matière des logements destinés à la classe moyenne. Selon les chiffres du Haut commissariat au plan, 2,4 millions de familles sont concernées par le phénomène. Au total, 800.000 familles ne sont pas propriétaires de leur logement ; 300.000 d’entre elles vivent dans des logements insalubres alors qu’elles font partie de la classe moyenne. Pour mettre fin à ce dilemme, Taoufik Hejira, ministre de l’Habitat et de l’urbanisme, explique que la promotion immobilière a, aujourd’hui, une visibilité sur les trois prochaines décennies, à condition de chercher les bonnes niches d’intérêt à fort potentiel et forte demande. Le gouvernement souhaite réduire la pénurie de logements à 27% en 2012. Pour y parvenir, les divers acteurs du marché cherchent maintenant à mettre en œuvre deux accords signés et destinés à aider les Marocains de la classe moyenne à acquérir leur propre logement. En 2009, l’Etat a mis en chantier 50.000 unités d’habitation destinées à la classe moyenne, dont 40.000 sont déjà achevées. En plus, des mesures de crédits lancées en début d’année (pouvant atteindre 800.000 DH), une nouvelle tranche du foncier public de 3.853 ha a été mobilisée au profit de l’habitat social et celui de la classe moyenne. Le gouvernement s’est également engagé à accroître la taille du fonds de garantie pour la classe moyenne. En ouvrant aux salariés du secteur privé l’accès à ce fonds, le gouvernement espère renforcer la demande des acheteurs de la classe moyenne. Il escompte que les personnes ayant un salaire mensuel net de 10.000 dirhams et les couples ayant un revenu combiné de 15.000 dirhams pourront obtenir des garanties à hauteur de 800.000 dirhams. Selon Youssef Ibn Mansour, le président de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers, la possibilité donnée aux salariés du secteur privé d’avoir accès à ce fonds de garantie sera un moyen de relancer et de dynamiser la demande immobilière de la classe moyenne. Reste maintenant à connaître les conditions précises pour pouvoir bénéficier de ce fonds de garantie «Damane Assakane» : jusqu’à quel niveau de salaire un salarié aura droit à bénéficier de ce fonds et quelle sera la valeur maximale du bien immobilier garanti. On parle d’un salaire mensuel de 10.000 DH nets et 15.000 DH pour le couple, et d’une couverture pouvant aller jusqu’à 800.000 DH. Mais reste encore à savoir si la classe moyenne telle que définie par le HCP est concernée par cette formule de financement. Selon l’étude vivement contestée du HCP, la classe moyenne représente 53% de la population, soit 16,3 millions de Marocains. Cette frange de la population perçoit des revenus oscillant entre 2.800 et 6.763 DH. Existe-t-il un logement moyen standing pour cette classe? Si l’on tient compte de la définition du HCP, la classe moyenne ne peut manifestement pas acheter un logement qui coûte quelque 600.000 DH. Pire, dans les grandes villes, il est impossible de trouver un appartement de moyen standing à ce prix. Le principal argument à avancer est que le niveau de revenu mensuel maximum constaté par le HCP, 6.734 DH par ménage, est trop peu suffisant pour financer un logement qui coûterait entre 600.000 et 800.000 DH, estimé comme correspondant justement aux besoins de la classe moyenne. Selon les calculs d’un banquier, le ménage qui gagne 6.734 DH par mois (tranche de revenu maximale pour la classe moyenne selon le HCP) ne peut, tout simplement pas, acquérir un logement de plus de 480.000 DH (hors commissions, frais de dossiers et assurances). Cependant, pour le ministère de l’Habitat, qui ne reprend pas les chiffres du HCP, sont considérés «ménages de couches moyennes», les ménages ayant un revenu mensuel moyen compris entre 3.000 et 15.000 DH. Ils sont composés de 61% de dirigeants et cadres, 25% de commerçants et artisans, et le reste étant ouvriers. Mais selon plusieurs témoignages, malgré un revenu mensuel de 15.000 dirhams, on ne peut actuellement obtenir un prêt pour acheter un appartement dans un quartier correct. Cette situation conduit plusieurs à acheter un logement social destiné en principe aux ménages à faibles revenus.